« Ne pas forcer, c’est bien ce qui rend l’escalade agréable. L’économie dans le mouvement, l’ajustement des coordinations, le rendement énergétique, la fluidité de l’escalade, sont autant de sources de performance. Pourtant, il est rare de ne pas forcer à son niveau max ! Le grimpeur y rencontre souvent un ou plusieurs « pas de bloc » ou sections dures. Pire, faute de pouvoir tenir une petite prise, réaliser un mouvement d’amplitude ou atteindre une prise éloignée (quelquefois d’un ongle) et … c’est la chute ! La force est une qualité pour le grimpeur et un très petit manque peut devenir sa limite. En escalade, la force n’est pas forcément suffisante, mais elle est forcément nécessaire.
Alors, pour pouvoir forcer : un p’tit effort ! » |
Qu’est-ce que la force ?
La force est une qualité physique essentielle au grimpeur qui doit produire du mouvement tout en s’échappant de sa principale contrainte* : la gravité.
La force demande des qualités musculaires (fibres) combinées à des coordinations efficaces (aspects nerveux). Pour l’exprimer ou la développer, il faut donc un apprentissage et un entraînement technique (coordination) combinés à des intensités élevés (charges ou vitesses élevées) et un faible nombre de répétitions. Ces paramètres sont déjà présents dans l’activité (en bloc surtout) mais se retrouvent de façon plus ou moins spécifique dans le renforcement musculaire.
François Petit, Champion du monde : "La pratique du bloc est incontournable pour réussir en difficulté. Les voies en compétition, mais aussi en falaise, sont de plus en plus intenses. Le grimpeur doit donc élever son niveau de force pour franchir les pas les plus durs sans trop souffrir et garder des réserves pour le reste de la voie. En compétition, les murs, les ouvreurs, les types de prises sont tellement variés qu'il faut se préparer à résoudre tous les "problèmes" avec efficacité."
Développer la force
Le renforcement musculaire se fait d’abord dans l’activité. Grimper renforce parce que les contraintes sont déjà importantes : une charge lourde à transporter (le poids de corps !), à laquelle s’ajoutent des contraintes pour l’action (mouvement d’amplitude, vitesse d’exécution, jeté, …) et d’autres de posture (blocage, compression, opposition, croix de fer, …). Ce renforcement, spécifique à l’escalade, résulte alors de l’augmentation progressive et régulière de l’intensité de ces contraintes. On élève la cotation de la voie, du passage, ou on monte l’intensité des mouvements, la vitesse d’exécution, on éloigne les prises, …
Grimper peut donc suffire.
Mais pour programmer un entraînement plus efficace, du renforcement général ou une musculation complémentaire, l’analyse de l’escalade permet de répondre à des questions essentielles.
Quel type de force faut-il produire (qualité) ? En quelle quantité (en durée et nombre de répétitions) ? Avec quels groupes musculaires ?
* Par jeu, le grimpeur augmente même cette contrainte en choisissant des profils raides, des prises dures à tenir et des volumes improbables. Bref, sans être complètement maso, il aime les blocs et les voies durs (surtout quand il va là-haut).
Vrai/faux :
« La force ça sert à rien ! » Mouais… Evidemment, tout le monde a l’exemple d’un grimpeur qui méduse dans les voies malgré un physique d’insecte (ni le roi du blocage, ni le dieu de la traction, une mouche koa !). En grimpant, il a développé des qualités exceptionnelles dans des registres différents (anticipation, rythme, détermination, souplesse, ruse … et surtout placement et technique exemplaire). Pour ce genre de grimpeur (de grimpeuse …), le faible niveau de force est le juste nécessaire. Mais pour éviter d’être limité dans un style de grimpe, dans des pas de bloc, ou dans des voies plus intenses, … il faudra palier à ce point faible. La force, c’est très facile à travailler. Belle marge de progression si tout le reste est top !
« J’ai pas besoin de force, je fais des voies … » Si quand même. Il est vrai que les qualités de force sont surtout requises en bloc où la durée est courte, le nombre de mouvements limités et l’intensité élevés (pour ne pas dire max : du bloc, quoi !). Mais dans les voies, l’augmentation du niveau de force permet de grimper avec plus de marge. Avec une « réserve de force », toutes les fibres musculaires ne sont pas recrutées et travaillent alors « à tour de rôle ». Deux conséquences : moins de fatigue dans la durée (certaines fibres se reposant pendant que d’autres travaillent) et une marge de force pour passer un pas ou une section plus intense (recrutement de plus de fibres au besoin)
« Si je gagne en force, je grimpe moins technique » Sûrement. Mais c’est réversible, compatible et surtout pas une raison de garder le même niveau. Pour commencer, augmenter le niveau de force permet de se poser moins de questions. On envoie le pâté dans tous les mouvs. On grimpe plus « en force », donc moins technique. Ensuite, il faut réapprendre à coordonner ses actions avec ce nouveau physique. C’est comme un pilote qui changerait de moteur : plus puissant, il faut réapprendre à doser les pédales, la vitesse dans les courbes, le freinage …
« Si je fais de la muscu, je serai plus tanké, donc plus lourd » Eh oui. La force du muscle est proportionnelle à sa section. Plus on est fort, plus on est carrossé (plus de fibres, hypertrophiés). Et plus on est costaud, plus on est lourd. Il existe donc une proportion optimale entre la force et le poids (le fameux rapport poids/puissance). Raison de plus pour muscler malin : uniquement en fonction des besoins (la bonne qualité, au bon endroit). |
Pour en savoir plus :
- La force- analyse (analyse de l'escalade)